Bien comprendre les TOC ou troubles obsessionnels compulsifs

L’un des dommages collatéraux les plus gênants que nous a apporté l’invasion de la psychiatrie américaine est sans doute celui qui nous a invité à mettre sous la même rubrique les Troubles Obsessionnels Compulsifs (appelés TOC) et des manifestations aussi différentes que le fait de se ronger les ongles, de devoir vérifier 20 fois qu’on a bien fermé le gaz avant de sortir ou cette « maladie du doute » qui caractérise la pensée obsessionnelle.

La confusion n’est pas anodine, car elle repose sur l’idée inspirée des neurosciences : l’ensemble de ces troubles serait lié à un dysfonctionnement cérébral, ou plus précisément à des anomalies de communication entre le cortex préfrontal (siège de notre comportement raisonnable et organisé) et les structures profondes responsables de notre comportement émotionnel et répétitif.

Il s’agirait d’une prédisposition quasi-génétique contre laquelle on serait relativement impuissant, sauf recours médicamenteux. Or, il s’avère que même les partisans de cette interprétation reconnaissent que les antidépresseurs les plus adaptés ne marchent que dans un nombre limité de cas et que par conséquent une psychothérapie pourrait être un adjuvant non négligeable.

Mais surtout, il y a toc et toc …

Prenons le cas de trois patients, venus nous voir avec un diagnostic de « toc ».

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1) Camille est une « collectionneuse ». Elle ramasse tout ce qui traîne sur son chemin : bouteilles vides, vieux journaux, déchets de toutes sortes, … qu’elle ramène chez elle au désespoir de son mari et en contraste avec ses propres habitudes de rangement et de propreté. La situation est telle qu’elle n’ose plus sortir dans la rue – de peur qu’on la prenne pour une folle.

2) Jean se définit lui-même comme un garçon « très droit », respectueux des valeurs morales, inculquées par sa famille. Il a vécu heureux et entouré jusqu’à ce que la poursuite de ses études l’amène dans une ville éloignée, confronté à des camarades qui ne partageaient ni son sens moral, ni son mode de vie. Un film sur les accusés d’Outreau « Présumé coupable » va constituer l’élément déclencheur. Peut-on être coupable sans le savoir ? Dès lors, il va vivre dans l’obsession que peut-être il a « fait du mal » sans le vouloir – passant une grande partie de son temps à vérifier s’il n’a pas blessé, humilié, voire tué quelqu’un à son insu, avec une grande souffrance morale.

3) Henri serait un excellent élève en mathématiques s’il était capable de suivre une heure de cours jusqu’au bout. Mais à mi-parcours, il se met à se tortiller sur son siège, persuadé qu’il doit absolument aller aux toilettes. Il devient incapable de se concentrer sur un exercice, dérange ses camarades, lève le doigt comme pour demander à sortir avant d’y renoncer… jusqu’à se faire mettre réellement à la porte, pour constater que sa crainte était sans objet. L’anamnèse montre que Henri qui a maintenant 16 ans a un passé de diabétique marqué par le besoin de boire fréquemment, et par conséquent d’uriner. Le diabète est désormais stabilisé, mais le toc est resté.

Ce que j’ai voulu montrer à travers ces 3 cas, c’est d’abord que sous le nom de « toc » peut correspondre des manifestations très différentes : les unes restant sur le plan de la pensée, les autres tenant plus du comportement – avec des degrés de gravité et d’empêchement différents. C’est surtout que, même si l’origine du toc peut parfois rester très longtemps obscure et si on sait qu’on débouchera nécessairement sur une psychothérapie de type comportementaliste, on ne peut faire l’impasse sur l’histoire et la personnalité sous-jacente. Il y a toc et toc …

Julien Bonnel pour Psychologika