Accompagner des enfants à grandir, c’est s’exposer au risque de la plus grande des responsabilités : celle d’être parent, un métier difficile !

C’est accompagner un enfant dans sa rencontre avec les aspects plaisants et déplaisants de l’existence. Les parents le savent bien. Ils leur arrivent justement d’être un de ces aspects les plus déplaisants pour leurs enfants : « non tu ne peux pas avoir cela », « non tu ne peux pas faire ça », « tu dois grandir et apprendre à faire seul »…
Pour ne faire que rajouter en complexité, il faut préciser que dans cette rencontre parent/enfant, il ne s’agit pas que de la difficulté des enfants à faire avec les événements de la vie (naissance d’un autre entant, séparation des parents, évènements traumatiques divers, apprendre à tolérer la frustration…) mais aussi de celle des parents. Impossible d’être parent sans avoir été soi même enfant. Impossible donc d’être parent sans avoir à faire avec la résonance de notre propre parcours d’enfant. Celui-ci fait retour dans les yeux de notre enfant qui observe les nôtres ! La parentalité renvoie donc à une création à part entière, une création qui ne se fait pas seul. Il s’agit d’un “bâtir ensemble !”
Pourtant, dans cette dynamique familiale, tout le monde n’est pas à la même place. Etre parent c’est être la proue d’une dynamique familiale. C’est être, l’ouvreur de la voie familiale. Ce qui ne veut pas dire que tout dépend des parents. Les enfants arrivent au monde avec leur patrimoine génétique, leurs capacités/incapacités, leurs possibilités/impossibilités. Le difficile métier d’être parent repose donc sur cette idée qu’il faille assumer une position clef du développement des enfants mais que ces derniers ne font pas que subir leurs parents. Eux aussi participent de la situation familiale.

Etre parent c’est aussi avoir à dire « non » ou à dire « oui » ! Les deux peuvent être aussi périlleux. En effet, laisser son enfant rentrer seul pour la première fois du parc juste à côté de la maison c’est tout autant lui permettre d’acquérir plus d’autonomie et l’exposer au risque inhérent de la circulation, aux inconnus qui passent… De l’autre coté, dire non, c’est parfois aussi s’exposer à sa propre culpabilité de parent. “Ai-je raison de réagir comme ça avec mon fils ou ma fille ou suis-je en résonance trop direct avec la manière dont mes parents s’y prenaient avec moi quand j’étais petit ?”
Facile de repérer un caprice d’enfant quand celui-ci cesse rapidement après avoir dit “non, tu n’auras pas ce jouet”, “non, nous ne ferons pas ceci ou cela”. Mais quand le caprice se transforme en crise, les parents sont déroutés : “si notre enfant déploie une telle énergie dans ses crises, qu’il ne supporte pas la frustration, est-ce simplement un caprice ou y’a un problème plus sérieux ?” Aucune maman, aucun papa n’est à l’aise avec ses moments de doute. Les parents se voyant comme des bourreaux ou comme en difficulté pour poser le cadre sécurisant qui aidera leur enfant à grandir.
La manière dont les parents sont impactés par cela conditionne leur capacité à se positionner vis à vis de leur enfant. Ainsi, existe-t-il plusieurs façons de dire oui ou non : il y a le “non” autoritaire. Il y a le “non mais”, le “non si”, le “non” qui porte en lui toute les lettres de la culpabilité… (On pourrait en dire autant du « oui »). De telle sorte que le message explicite est souvent adressé avec sa part implicite. Et il faut reconnaître aux enfants une véritable sensibilité aux deux facettes du même message.

Comme nous l’avons dit, ne simplifions pas la situation en rendant les parents responsables de tous les maux de leurs enfants. Plutôt que de savoir qui a commencé, il s’agit de réintroduire un nouveau mouvement dans la dynamique familiale. Accompagné d’un psychologue formé à ce type d’enjeux, les parents peuvent travailler sur l’émission de nouveau message pour leurs enfants. Cela favorisant une vie familiale plus apaisée et harmonieuse. Il s’agit aussi de retrouver une nouvelle manière d’être en contact avec ses enfants.

Soutenir les parents, c’est à dire ?

S’il peut s’agir de soutenir thérapeutiquement les enfants, il s’agit aussi de soutenir les parents. Leur capacité à aborder la situation, à la penser, à engager de nouvelles propositions que les enfants n’ont pas. Les parents ont besoin d’être soutenu dans cette difficile mission qu’ils ont endossée en donnant naissance ou en adoptant.
Soutenir les parents, c’est les accompagner à penser et à agir sur le méli-melo familial dans lequel la situation s’est enfermée. C’est soutenir leurs compétences parentales pour accompagner leurs enfants vers un mieux-être et, par là, retrouver une meilleure harmonie familiale. C’est accompagner les parents à prendre, vis à vis de leur enfant, les positions sécurisantes (même si parfois frustrantes) ou empathiques (même si parfois touchantes et fragilisantes). Au fond, on pourrait comparer une famille à un sac de billes. Si l’on fait bouger les billes parentales qui se trouvent au fond du sac, toutes les autres billes bougeront. Leur poids reposant sur les premières. Voilà qui illustre toute la difficulté que les parents peuvent connaitre dans le rôle névralgique et fondateur qu’ils endossent.

Le difficile travail d’être parent reposent sur ce fil. Marche en équilibriste avec son enfant sur le fil de la relation. Tanguer au mouvement de l’un, tanguer au mouvement de l’autre. C’est ainsi que les parents trouvent, plutôt que l’immobilisme, le mouvement équilibrant qui permettra le bon développement de leur enfant et une meilleure harmonie familiale globale. Et il faut dire que si nous apprenons, non sans difficultés, à nos enfants à grandir, eux nous apprennent à devenir parents et par là, à grandir avec eux !

Gwenael Subrenat
Psychologue clinicien – psychothérapeute – art thérapeute
Enfants – adultes