L’adolescence aux prises avec la tentative de suicide aujourd’hui

La tentative de suicide à l’adolescence ne veut pas dire non à la vie. Elle révèle plutôt l’envie de mettre fin à une souffrance morale qui envahit la vie psychique et entrave la communication verbale. La tentative de suicide est aussi une façon pour l’adolescent de s’affirmer et d’échapper à « l’emprise » des autres sur lui : en réponse à « je n’ai pas demandé à naître », il exprime « je peux choisir de mourir ». Elle traduit toujours une profonde détresse en relation avec son environnement (familial, amical, amoureux, scolaire…), même si en apparence, elle paraît simplement réactionnelle à un échec, à une rupture, etc.

Tordons le cou aux idées reçues

« Seuls les adolescents qui ont une maladie mentale tentent de se suicider » Faux !

Dans une très forte proportion des cas (85 %) les adolescents suicidaires n’ont aucune maladie psychiatrique.

« Il est normal d’avoir des idées suicidaires à l’adolescence » Faux !

Fréquent ne veut pas dire normal. Des idées suicidaires traduisent toujours une fragilité psychologique profonde, une difficulté à supporter la frustration, un problème relationnel, etc.

« Ceux qui ont des idées suicidaires ou qui parlent de suicide ne sont pas ceux qui se suicident réellement » Faux !

Neuf fois sur dix, une tentative de suicide est précédée d’idées suicidaires.

« Les tentatives de suicides à répétition n’entraînent jamais la mort » Faux !

Plus l’adolescent a fait de tentatives de suicide, plus il risque de mourir en se suicidant dans les dix années qui suivent.

« Si l’adolescent ne parle pas d’idées suicidaires et ne se plaint de rien, il n’a aucun risque de suicide » Faux !

Les jeunes n’en parlent pas souvent spontanément. Un adolescent sur deux ayant des idées suicidaires n’en a jamais parlé à personne.

« Il ne faut pas parler du suicide avec les adolescents car cela pourrait leur donner des idées… » Faux !

Cela peut, au contraire, les aider. Qu’une personne compréhensive (proche de leur entourage, un médecin de famille par exemple) aborde ce sujet avec eux est la meilleure façon de les inciter à en parler eux-mêmes.

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Repérer les adolescents « à risque »

Rien ne remplace la qualité du dialogue, de l’écoute, de l’attention bienveillante portée à un adolescent pour apprécier s’il est exposé à un risque particulier de suicide. Les parents ne sont pas toujours les mieux placés pour cela : un proche de confiance dans l’entourage du jeune, un médecin, sont souvent pour lui de meilleurs interlocuteurs. Astuce ! Le test TSTS pour un premier repérage Ce test permet avec 4 questions simples et apparemment anodines de repérer les jeunes avec lesquels la question du suicide doit être approfondie.

1. Traumatologie : As-tu déjà eu des blessures ou un accident (même anodin) dans l’année ?

2. Sommeil : As-tu des difficultés à t’endormir le soir ?

3. Tabac : As-tu déjà fumé, même si tu as arrêté ?

4. Stress scolaire ou familial : Es-tu stressé par la vie familiale ou scolaire ? À partir de 3 réponses positives, allez plus loin et repérez les signes d’alerte.

Les adultes doivent être vigilants à tout changement brutal de comportement observé chez l’adolescent ou à des signaux d’appels comme :

– Des messages verbaux directs (« comme cela, je ne vous embêterai plus », « à quoi bon ?… ») ou indirects exprimant une importante auto-dévalorisation, un manque de confiance.

– Une attitude de retrait, d’isolement et de repli sur soi.

– Une perte d’intérêt pour des d’activités très appréciées jusqu’alors.

– Un brutal désinvestissement ou au contraire un hyper-investissement scolaire, une chute des résultats, etc.

– Des conduites à risque : fugue, alcool, drogue, violence…

– Un sommeil perturbé : insomnie ou sommeil excessif,

– Une fatigue, une anxiété, une tristesse, des pleurs,

– Une irritabilité voire une agressivité,

– De nombreuses plaintes corporelles (mal au ventre) conduisant parfois

– à des consultations répétées chez le médecin.

– Des problèmes alimentaires : tendance à avoir des fringales ou une perte d’appétit et de poids,

– Des dons d’objets précieux.

Réagir / Banaliser

Il est essentiel de prendre au sérieux toute idée suicidaire ou toute tentative de suicide. Chaque année, plus de 10 % des adolescents pensent au suicide. Après le premier geste suicidaire, plus de 30 % tentent à nouveau de mettre fin à leurs jours dans l’année. Minimiser Il n’y a pas de corrélation entre le mal-être exprimé (ou non) et la profondeur du mal-être sous-jacent.

Il n’y a pas de corrélation entre la gravité de la tentative de la suicide et la détresse psychique sous-jacente. Chercher à résoudre le problème seul Paradoxalement, plus on est proche de l’adolescent (un parent, par exemple), plus il est difficile de l’aider. Faire la morale ou se poser en exemple Ce serait le culpabiliser, accroître son trouble ou le rendre encore plus vulnérable en l’empêchant de mobiliser ses propres ressources pour s’en sortir.

Ce qu’il ne faut pas faire / Ce qu’il faut faire Parler directement à l’adolescent, écouter et reconnaître sa souffrance, sans la juger. Ne pas hésiter à utiliser le mot suicide : « As-tu déjà pensé au suicide ? » Lui faire comprendre qu’il est aimé et qu’il compte pour vous. Lui expliquer que vous vous inquiétez pour lui car vous avez remarqué qu’il n’allait pas bien du tout, qu’il souffre probablement. De ce fait, vous vous imaginez qu’il pourrait avoir des idées de suicide. Créer un climat de confiance suffisant afin qu’il accepte :

– de dialoguer avec une personne travaillant dans un réseau spécialisé pour le soutien et l’accompagnement des jeunes en souffrance ou suicidaires, comme le proposent de nombreuses associations,

– de consulter un professionnel de santé qualifié et de confiance,

– de se rendre avec vous aux services urgences d’un hôpital en cas de crise suicidaire avérée ou de tentative de suicide. Penser aussi à assurer sa sécurité : Eloigner les objets ou les médicaments dangereux de la pharmacie familiale ! Mettre en lieu sûr les armes s’il en existe au domicile.

Encore trop de décès par suicide à l’adolescence

En France, chaque année, près d’un millier d’adolescents entre 15 et 24 ans se donnent la mort. L’adolescence est souvent une période de fragilité psychologique :

– l’adolescence est marquée par une triple mutation, à la fois corporelle, psychique et sociale,

– elle correspond à l’accès à la sexualité adulte, à la séparation d’avec le milieu familial et à la recherche d’une identité propre,

– pour toutes ces raisons, l’adolescence est un moment de la vie durant lequel le jeune expérimente certains comportements (tabac, alcool, drogue, sports extrêmes…) et prend parfois des risques excessifs,

– les tentatives de suicide sont un des modes d’expression de la souffrance des adolescents. En moyenne, deux élèves par classe ont déjà fait une tentative de suicide

– une tentative de suicide sur trois concerne un jeune de moins de 25 ans,

– sur 100 adolescents, 9 d’entre eux (entre 14 et 19 ans) ont déjà fait au moins une tentative de suicide,

– chaque année, 5 filles et 2 garçons sur 1000 font une tentative de suicide. Le suicide représente la deuxième cause de mortalité des 15-24 ans : les décès par suicide sont la deuxième cause de décès chez les jeunes, juste après les accidents de la route. Ceux-ci sont parfois eux-mêmes une forme déguisée de suicide (prise de risque, vitesse excessive en voiture ou en moto).

Tentative de suicide

– en cas de détresse physique, contacter les POMPIERS (18) ou le SAMU (15) – Quelle que soit la gravité des moyens utilisés, il est essentiel d’accompagner le jeune dans un service d’urgences en vue d’une évaluation médicale & psychologique et d’une brève hospitalisation.

– En cas de tentative de suicide, la médicalisation de la réponse à un acte aussi important constitue le meilleur moyen d’éviter la répétition.

Dya Touffier pour Psychologika