RÊVE ET SUICIDE

PULSIONS DE VIE ET PULSIONS DE MORT DANS L’ANALYSE DES RÊVES
En psychothérapie, un travail particulier peut être fait dans le domaine du rêve pour repérer et traiter la pathologie suicidaire.

1. Le rêve, c’est nous

Dans le rêve, c’est nous qui parlons. C’est « soi-même » qui « se » parle. En fait, c’est notre Moi divin qui parle et qui nous donne, chaque jour, un message nouveau de méditation pour aller plus loin, pour rencontrer la réalité du rêve et du temps diurne et nocturne.
L’étude du rêve crée le dialogue entre soi et soi-même pour rejoindre son unité intérieure. Tous les rêves forment une seule et même histoire dont nous écrivons chaque jour les pages, une à une, pour se connaître totalement sans fin – jusqu’à la mort.

Les rêves ont de multiples interprétations, une série de rêves s’interprète de plusieurs façons. Il s’agit de les connaître. Dans le domaine de la psychanalyse, le rêve n’a pas encore été suffisamment utilisé. Etant donné que toutes les interprétations ne sont pas connues, il est difficile d’interpréter entièrement un rêve.Mais si on repère les différentes interprétations, quelque chose peut se faire au niveau du transfert et du contre transfert.

Tout ce qui apparaît dans le rêve est une image de soi, c’est pourquoi le rêve va nous faire découvrir progressivement ce que nous sommes dans une dimension terrestre et céleste.

Le rêve ne s’adresse pas qu’aux psychothérapeutes, il concerne tout le monde puisque nous rêvons tous, en principe. Il s’agit de noter quotidiennement nos rêves pour prendre conscience du message qu’ils transmettent. Grâce à cette méthodologie, nous allons obtenir bien des renseignements utiles pour comprendre davantage le sujet en analyse.

2. Pulsion de Vie, Pulsion de Mort

Ces deux termes ont été définis par d’illustres protagonistes de la Psychologie. Pour les résumer, on dira qu’une Pulsion de Vie « recouvre non seulement les pulsions sexuelles proprement dites mais encore les pulsions d’auto-conservation ». « Et les Pulsions de Mort ramènent l’être vivant à l’état anorganique.

Elles sont tournées d’abord vers l’intérieur et tendant à l’autodestruction, et seraient secondairement dirigées vers l’extérieur, se manifestant alors sous la forme de la pulsion d’agression ou de destruction ». Ces définitions nous démontrent à quel point il est important d’étudier cette dualité ; ce cycle de Pulsions de Mort et Pulsions de Vie, à l’intérieur d’une étude des rêves, est un outil précieux dans le cadre d’une psychothérapie.

3. Exemples de cas cliniques

a. les angoisses suicidaires
Marie avait perdue sa mère à 18 ans. Sa mère s’est suicidée en se jetant dans une rivière après la mort de sa dernière fille, trisomique, qu’elle avait essayé de sauver pendant 3 années, mais malgré tous ses soins la petite fille est morte. Depuis le suicide de sa mère, l’idée du suicide ne l’avait jamais quittée et se faisait de plus en plus insistante. C’est âgée de 51 ans qu’elle a finalement décidé de combattre ses angoisses par la thérapie. Et aujourd’hui, 25 ans plus tard – elle est toujours vivante !

b. les suicides à demi-conscient et les suicides inconscients
Thème souvent négligé, les suicides à demi conscients interpellent. Par exemple, le sujet peut se trouver au volant de sa voiture et rater un tournant. On ne saura jamais si c’est une mort accidentelle ou un suicide. C’est peut-être une mort accidentelle mais dans l’inconscient profond, c’est certainement un désir de mort. Plus voilé encore, le suicide inconscient : lors d’un accident de la route, le sujet n’est que passager et meurt. Dans certains cas, si on consulte les rêves de cette personne, on se rend compte que ce qui apparaît comme accidentel était en fait la conséquence d’un désir de mort. Alors, même si le sujet ne conduisait pas, il s’agit d’un exemple du processus de synchronicité dont a parlé C.G.Jung.

c. les maladies graves
Dans l’analyse des rêves des personnes souffrant de maladies graves, le désir de mort est là et la maladie est liée à certaines pulsions. Toutes les maladies sont liées à des Pulsions de Mort, plus ou moins importantes, mais lorsqu’elles sont liées à des pulsions profondes, beaucoup de rêves le signalent.

d. les attitudes suicidaires
Le cas de jeux dangereux de personnes ayant par exemple des rapports sexuels sans préservatif, dans des situations à hauts risques. L’anorexie est également un exemple très parlant d’une attitude suicidaire.

4. Exemples d’un cas clinique sur les Pulsions de Vie et de mort

En analysant plus particulièrement du cas d’une patiente, je vais vous présenter les Pulsions de Vie et les Pulsions de Mort, sur un choix d’une série de rêves qui se sont déroulés sur 9 mois.

Janine cherchait une thérapie à la fois psychologique et spirituelle. C’est une personne qui a suivi de nombreuses thérapies et elle disait ne pas avoir rencontré quelqu’un qui puisse la faire travailler dans le domaine spirituel. Elle se sentait déçue par ses précédentes thérapies. Elle a eue une enfance difficile, c’est la dernière de 4 enfants, elle dit avoir été soumise à un père dur, autoritaire qui ne lui parlait pas. Ses deux sœurs aînées également, très dures avec elle. La mère (très soumise à son mari) est décédée alors qu’elle avait 16 ans. Janine s’est souvent posé la question la maladie de sa mère n’était-elle pas un suicide déguisé ?. Au niveau du couple, Janine souffrait de frigidité et de difficultés de communication et de partage de spiritualité.

Janine a fait plusieurs tentatives de suicide à l’aide de médicaments, elle a toujours été déçue des psychiatres, médecins et thérapeutes, dit-elle. C’est quelqu’un qui note régulièrement ses rêves et qui est très intéressée par la dimension onirique. Actuellement elle ressent un désir de mort, elle s’alimente peu sans être totalement anorexique ; ainsi, les Pulsions de Mort sont bien présentes mais aussi les Pulsions de Vie puisque Janine a choisi de suivre une thérapie pour s’en sortir. Nous vous présentons ici une série de rêves et leurs interprétations.

 

I.

“Il y avait un congrès de psychiatres ou personne n’écoutait personne. J’étais entrée et j’avais crié plus fort que tous pour qu’ils m’entendent en disant : “c’est ça pour les psychiatres, vous ne savez même pas écouter celui qui parle” ; on me faisait sortir.” Janine transfère sur l’analyste tout ce qu’elle a vécu auparavant, il va falloir être quelqu’un qui l’écoute bien sûr pour qu’elle reconnaisse qu’il y a une possibilité d’être entendue.” Le fait de crier et de revendiquer pour se faire entendre est une Pulsion de Vie.

II.

“Quelqu’un montrait un emplacement ou il y avait une statue de la vierge. Cette statue massive, sombre, plutôt sale, était comme assise sur un socle trop lourd, pas beau du tout. Ensuite cette vierge était enlevée sans que je m’en rende compte. A son emplacement c’était sec mais mouillé autour, je me disais “tient, il a dû pleuvoir.» Dans la symbolique sexuelle, on voit ici les sécrétions liquides qui se trouvent autour de la Vierge, elle qui reste vierge puisque Janine est restée frigide toute sa vie. Alors là les sécrétions arrivent, donc il y a quelque chose qui s’approche d’elle ; l’image de la statue symbolise ce que Janine n’a pas encore réussi à mettre en mouvement.

III.

“Un jeune homme venait comme si c’était mon fils, il s’asseyait à la table et je m’attardais pour parler avec lui. Je devais faire le ménage mais il y avait plein de monde et d’enfants autour de moi qui me gênaient, me contrariaient, on me faisait des reproches, j’étais au bord de la crise de nerfs et je pensais à ce petit chat à qui je devais donner de l’affection, c’est mon plus gros souci.”

Quand elle était petite fille, Janine était la 4ème de quatre enfants et elle était obligée d’accomplir certaines taches. Ses sœurs aînées étaient très sévères avec elle et à la mort de sa mère, elles se sont montrées aussi très dures. Le fils et le chat codent son fils et elle dans l’enfance, c’est-à-dire que Janine voit les difficultés qu’elle a eues pour élever son fils et elle ressent une culpabilité par rapport à la façon dont elle l’a éduqué. Le chat code aussi son sexe. La Pulsion de Vie : “je pensais à ce petit chat à qui je devais donner de l’affection” ; Pulsion de Mort : “j’étais au bord de la crise “de nerf”.

IV.

“Un paysage de blés murs illuminé de soleil.” Alors là, Pulsion de Vie bien entendu, le paysage de blés murs, les moissons qui s’approchent, illuminées de soleil. C’est la couleur dorée de la richesse que Janine est en train de construire en elle.

V.

“Je disais : “L’essentiel ce n’était pas que j’y sois, mais que vous ayez bien prié pour elle” ; il s’agissait de l’enterrement de maman”. En synthèse, il s’agit de la problématique de l’enterrement de la mère et de sa culpabilité de ne pas y avoir assisté. Lorsque sa mère est décédée Janine avait 16 ans et était en pension. Elle n’avait pas pu être présente le jour des obsèques et regrette de ne pas avoir assisté à l’enterrement de sa mère. Janine fait ici un travail de deuil puisqu’elle dit : “l’essentiel ce n’était pas que j’y sois mais que vous ayez bien prié pour elle”. Le travail de deuil a bien commencé (Pulsion de Vie).

VI.

“Un groupe de femmes arrivait dans la pièce principale, je ne savais pas pourquoi, elles avaient bonne apparence, je les accueillais bien mais je sentais qu’il se passait des choses anormales car discrètement d’abord, elles sortaient une seringue pour faire une piqûre à quelqu’un qu’elles kidnappaient ensuite. Elles faisaient comme chez elles, s’installaient, allaient prendre tout naturellement ce qu’il y avait dans un placard pour se coiffer.” C’est ce qui se passe souvent pour les personnes qui sont suicidaires : étant donné qu’elles sont en danger de mort, des personnes proches vont s’occuper d’elles, mais d’une manière tellement possessive que le sujet se sent encore plus écrasé. Alors que ses sœurs l’ont déjà dominé dans l’enfance, elles s’occupent maintenant d’elle à cause de son envie de suicide, c’est trop pour Janine.

Il est certain qu’il est bon que ses sœurs s’intéressent à Janine mais elles s’en occupent tellement qu’elle ressent encore plus le poids de cette domination. Là il y a les bonnes ressources du narcissisme, le côté fécondant du narcissisme (Pulsion de Vie), qui lui permet de dire “je pars, je ne veux pas être kidnappée, je ne veux pas qu’on vienne chez moi.” Hors, sa sœur aînée vient chez elle quand bon lui semble car elle a la clé.

VII.

“…Je me retrouvais…sur une place inconnue ; il y avait de vieilles machines tellement poussiéreuses que l’on ne pouvait discerner ce que c’était…Puis, j’allais dans un grenier où je découvrais de longues bouteilles originales par leur col effilé. Elles contenaient du vin blanc. Je les avais laissé en stock… J’étais contente, j’allais pouvoir en offrir à mon ex-mari qui appréciait le bon vin et m’avait appris à le connaître.

Mais je ne savais plus ce qui m’appartenait. Il y avait des photos jaunies”. Le vin blanc représente à la fois le vin de messe et le sperme masculin. Donc il y a une réparation par rapport à la sexualité masculine et au mari dans son ensemble (Pulsion de Vie). Il y a un travail de transformation intérieure qui se fait. On note l’évolution de l’image masculine à l’intérieur du rêve et en même temps l’évolution spirituelle.

VIII.

“Je faisais de la béchamel qui éclaboussait partout sur les murs, les meubles, innommable. Je me débattais dans cette cuisine trop encombrée et toute souillée de cette sauce blanche qui dégoulinait. C’était trop petit pour attraper les ustensiles qui s’empilaient derrière. Quelqu’un frappait à la porte, comme j’étais nue je courrais me cacher. Je réalisais une fois cachée que j’étais dans un réfrigérateur et si je fermais la porte je serai condamnée à l’intérieur. Je laissais donc entrouvert mais la porte s’ouvrait complètement et la personne qui avait frappé était là. J’étais gênée de ma nudité mais comme je n’y voyais rien ça simplifiait tout.” Ce rêve montre une tentative de réparation sexuelle : Janine cuisine une sauce béchamel. Au niveau de la symbolique préœdipienne, c’est le travail sur l’oralité dans l’enfance avec la mère, (Janine prépare une nourriture laiteuse).

Puisque Janine fait un travail de réparation sur sa vie préœdipienne, en même temps elle répare sa sexualité et là, cette béchamel qu’elle envoie partout code les sécrétions vaginales, dans la symbolique sexuelle. Dans la symbolique spirituelle, pour interpréter ce rêve d’une façon plus précise, la béchamel c’est phonétiquement “bêche – âme – elle”, (elle est en train de bêcher son âme à elle). C’est de cette façon, phonétiquement, que parlent les rêves. Janine est cachée dans un réfrigérateur (frigidité) mais elle a laissé la porte ouverte, puisque dans la réalité elle s’est mariée. Mais ce n’est pas pour autant que la rencontre a pu se faire. Comme il y avait cette problématique de l’enfance, elle réapparait dans son couple. Se cacher dans le réfrigérateur est une Pulsion de Mort partielle mais c’est aussi une forme de conservation. Le combat avec elle-même montre une Pulsion de Vie : “Je me débattais dans cette cuisine”.

IX.

“Je venais tremblante vers mon père pour lui dire comme j’étais mal et je voulais lui parler. J’osais le regard vers lui et commençais à balbutier quelques mots. Il était grand, beau avec une chevelure noire épaisse, longue, toute bouclée. Il me faisait danser autour de la table.” Le travail de réparation quand à l’image du père est en bonne voie. C’est une excellente Pulsion de Vie.

X.

“J’essayais de faire correctement mon travail mais j’étais dépassée, tout s’accumulait sans que je ne règle rien, j’étais submergée par les choses et je brassais du vent avec l’angoisse qui augmentait de plus en plus. Je ne reconnaissais plus personne, comment allais-je m’en sortir, j’avais tellement de choses disparates à rassembler qu’il me faudrait des sacs et des sacs pour tout ramener à la maison. Je ne savais plus comment m’y prendre, c’était terrible.” Malgré tout le travail qui a été fait, il reste beaucoup de sacs à remplir et à vider. Une psychothérapie ne résout pas les problèmes de toute une vie en quelques jours, ni même en quelques mois. Les Pulsions de Vie demandent énormément d’efforts à la rêveuse.

XI.

“Un homme dont la femme s’était suicidée voulait emmener ses deux enfants au cimetière sur la tombe de leur mère. Un autre couple intervenait pour préserver les enfants car le père ne leur parlait que de suicide. Je tombais malade, j’étais toute encombrée, j’avais des glaires plein la gorge, j’avais craché dans le lavabo car j’étouffais.” Janine se penche sur l’oralité dans l’enfance, des éléments restent à travailler sur le plan oral et sur le plan de la sexualité. Au niveau de la communication, il y a quelque chose qu’elle a du mal à cracher, qu’elle finit par cracher et ce qu’elle crache là c’est l’image du père qui veut l’amener sur la tombe de sa mère suicidée. Janine suppose que la maladie de sa mère aurait été un suicide caché et le père qui veut la conduire sur la tombe, c’est le thérapeute qui essaie de lui faire faire le deuil. Le thérapeute est averti, il faut l’aider, mais il ne faut pas faire avancer trop vite Janine dans le travail de deuil car cela lui serait insupportable. Le travail de deuil est une Pulsion de Vie.

Dans cette série de rêves vous avez pu retrouver tous les éléments concernant l’enfance du sujet, sa gestation, sa naissance, le stade oral et son vécu dans l’enfance avec ses parents. Nous avons vu ensuite, les répercussions de son enfance sur sa vie de couple, sur sa vie sexuelle, sur l’éducation de son fils. Et ensuite son long cheminement dans lequel a manqué la dimension spirituelle qu’elle retrouve enfin. Mais ce n’est pas parce qu’elle retrouve cette dimension que le travail est fini, on voit qu’il reste encore beaucoup à faire avec ce jeu concret sur la réalité claire et ce jeu avec le spirituel. Ce rêve indique bien que Janine a besoin de la dimension du spirituel pour s’en sortir ; ce désir est la manifestation d’une Pulsion de Vie importante (fort heureusement).

Nous voyons dans cette série combien les Pulsions de Vie l’emportent sur les Pulsions de Mort au cours d’une psychothérapie. Nous nous apercevons aussi qu’une Pulsion de Vie contient parfois certains aspects de Pulsions de Mort et le contraire, les Pulsions de Mort renferment partiellement des éléments de Pulsion de Vie ; les nuances sont nombreuses. De plus nous démontrons que l’onirothérapie apporte des Pulsions de Vie sur le plan psychologique mais aussi sur le plan spirituel préparant ainsi une réparation en profondeur.

En conclusion, tant que l’on ne décide pas de conquérir l’éveil, de se libérer et de se réaliser dans la vie actuelle, on se réincarne et l’on repasse par la mort une ou plusieurs fois. On continue donc toujours à se suicider.

Le seul moyen de sortir de ce piège de la réincarnation, consiste à décider de passer au travail de libération et de réalisation.

Stevan Jobert pour Psychologika