Violences conjugales : mythes et réalités 

Si vous pensez que la violence conjugale c’est « battre sa femme », que l’alcool et la drogue provoquent des passages à l’acte, ou qu’ « un peu de violence dans un couple quand on se dispute c’est normal »: lisez ce qui suit, vous allez être surpris !

Voici les mythes les plus tenaces qui imprègnent vos esprits au sujet de la violence qui peut survenir dans un couple.

 

« La violence conjugale ne se produit que dans des couples mariés. »
La violence conjugale est la violence exercée par un des conjoints sur son partenaire. Tous les types de couples peuvent donc être concernés : mariés ou non, couples polyamoureux, couples homosexuels, sex-friends, partenaires d’un soir, …

 

« La violence conjugale, c’est juste une dispute qui a dégénéré un peu. »

« S’il y a de la violence dans le couple c’est parce que c’est une relation passionnelle. »

Un couple c’est deux personnes, donc des différences, forcément. Donc des conflits, souvent. C’est normal et sain car ça permet aux partenaires d’avancer et de construire une façon bien à eux d’être en couple. La violence, c’est la limite à ne pas franchir. Bien sûr, on peut se disputer avec colère, voire agressivité. Mais lorsqu’un conflit s’accompagne de rapports de pouvoir inégaux, de peur, de soumission et d’emprise, il ne s’agit plus de dispute conjugale mais de violences.

 

« La violence conjugale est uniquement de la violence physique ? »

« La violence psychologique ce n’est pas de la vraie violence. »

Lorsqu’on pense à la violence, et surtout à la violence conjugale, on pense d’abord à de la maltraitance physique (coups, griffures, armes, …) et sexuelle (rapports forcés, agressions sexuelles, …). Mais il existe aussi de la maltraitance économique (confisquer la CB, contrôler systématiquement les dépenses, …) et de la maltraitance psychologique (dénigrement, chantage, menaces, humiliations, isolement, …). La violence psychologique est moins connue et plus difficile à détecter car elle ne se voit pas, et pourtant elle entraîne elle aussi de graves conséquences pour la personne qui la subit : perte de confiance en soi, culpabilisation, dépression, … Chacune de ces formes de violence peut se retrouver dans un couple, et il n’est pas rare que plusieurs d’entre elles co-existent.

 

« Un partenaire qui force son conjoint à avoir une relation sexuelle alors qu’il n’en a pas envie, c’est normal que ça arrive parfois dans un couple. »

« On ne peut pas parler de viol ni d’agression sexuelle puisqu’on est ensemble. »

Dès lors qu’il y a violation du corps de l’autre à travers la violation de son consentement, il y a agression sexuelle voire viol. Ce n’est pas parce qu’on est en couple qu’on doit toujours être d’accord ou qu’on doit imposer ses désirs à son partenaire.

 

« Un homme victime de violence conjugale ça n’existe pas car on n’en entend jamais parler. »

« Un homme ne peut pas être victime de violence conjugale car il sait se défendre. »

« Une femme qui est violente avec son conjoint, ce n’est pas de la violence conjugale, c’est forcément de la légitime défense. »

La violence n’a pas de sexe, elle concerne autant les femmes que les hommes : c’est une histoire de souffrances humaines. Les enquêtes qui s’intéressent au sujet sont récentes, et les chiffres sous-estimés, mais il est quand même question de plusieurs milliers d’hommes par an victimes de violences de la part de leur conjointe. Si on ne parle pas des violences faites aux hommes, c’est parce qu’elles sont encore plus taboues que celles faites aux femmes. C’est difficile à imaginer car ça bouscule nos représentations de l’homme (viril, fort) et de la femme (douce et maternante).

On n’en parle pas aussi car si les femmes sont le plus souvent victimes de violences physiques, les hommes eux sont surtout victimes de maltraitances psychologiques, beaucoup plus difficiles à détecter.

D’ailleurs, souvent les femmes manipulatrices utilisent nos représentations stéréotypées : elles amènent l’homme à être violent physiquement envers elles, ce qui leur permet ensuite de renverser la situation en se positionnant comme victimes des coups de leur conjoint. Cette violence-là n’est pas une violence de légitime défense, mais une réelle volonté d’emprise et de contrôle sur le partenaire.

 

« Les hommes exerçant de la violence conjugale sont violents dans toutes leurs relations. »

« L’homme commettant des actes de violence envers sa conjointe a un portrait type. Il est physiquement imposant et parle fort. »

La personne auteur de violences conjugales peut provenir de n’importe quel milieu culturel et économique, être médecin ou chômeur, peu scolarisé ou bien diplômée, avoir 15, 35 ou 75 ans. L’homme maltraitant est souvent très apprécié socialement et considéré comme un bon collègue et voisin. Il est violent essentiellement avec sa famille car il se sent légitime à l’être, un peu comme si elle lui appartenait.

 

« Un conjoint violent le restera toute sa vie. »

« A force d’amour et de patience, on va réussir à changer son conjoint violent. »

Pardonner et se faire violenter n’aideront pas le conjoint auteur de violences à modifier ses comportements. Lui seul a le pouvoir d’amorcer un changement, s’il prend conscience de ce qui se passe et assume la responsabilité de ses actes. C’est un véritable processus qui nécessite un travail au long terme avec un professionnel. Cela prend du temps et demande des efforts, mais c’est possible.

 

« Les auteurs de violence conjugale sont malades, ils ont des problèmes psychiatriques. »

La violence conjugale n’est pas une maladie, c’est une question de notre propre rapport à la violence, qui trouve ses racines dans l’éducation et le contexte dans lequel on a grandi. Parmi les auteurs de violences conjugales, peu de personnes ont un trouble psychiatrique.

 

« La violence conjugale est causée par une perte de contrôle. »

« L’alcool, la drogue et le stress sont les principales causes de la violence conjugale. »

« La femme maltraitée a en fait provoqué son conjoint et l’a poussé à être violent. »

Il est fréquent que le conjoint agresseur justifie ses accès de violence par des facteurs extérieurs (alcool, fatigue, attitudes du partenaire, …). Or, rien n’a le pouvoir de rendre quelqu’un violent contre sa volonté. Une situation stressante ou la consommation de substances peuvent amplifier une tendance à la violence mais pas la créer de toute pièce. La violence répétée au sein du couple est une prise de contrôle sur le partenaire : c’est un mode de relation appris et utilisé comme moyen de contrôler l’autre, qui n’est pas considéré comme un égal. La vraie question n’est pas « à qui/à quoi la faute ? » mais « qu’est-ce que je fais de mon propre rapport à la violence ? ». Provocation ou non, le recours à la violence n’est pas une option.

 

« La violence conjugale cesse lorsque le couple se sépare. »

« Les victimes de violence conjugale sont masochistes : elles ne veulent pas vraiment s’en sortir car elles restent et retournent avec leur conjoint, ça ne sert à rien de les aider. »

Il ne s’agit pas de se dire « OK je pars » pour arriver à sortir d’une situation de violence conjugale : c’est un cheminement qui peut prendre du temps. Les personnes victimes de violences traversent souvent une grande période de doutes, et restent auprès de leur partenaire pour de nombreuses raisons : elles l’aiment toujours et pensent qu’il va changer, elles ont peur de ses menaces, se sentent coupables de briser une famille et tout ce qu’elles ont construit, n’ont pas de ressources économiques suffisantes pour s’en sortir seules, elles ont honte et peur de ne pas être crûes, … Rester avec son partenaire a des conséquences, mais le quitter aussi. Et d’ailleurs, même une fois le pas franchi, la violence peut continuer (harcèlement, menaces, utilisation des enfants, …). Les personnes victimes de violences ont donc besoin de beaucoup de soutien avant, pendant et après qu’elles arrivent à partir.

 

« Malgré ce qui se passe dans le couple, la famille doit rester unie parce que les enfants ont besoin de leurs deux parents. »

« Les enfants ne sont pas affectés par la violence conjugale lorsqu’ils n’en sont pas directement la cible. »

Les enfants savent toujours que quelque chose ne va pas, même s’ils ne sont pas des victimes directes de la violence qui existe entre leurs parents. Le climat d’insécurité et de tensions qui règne dans le foyer a un impact sur leur équilibre affectif et leurs comportements, et cela peut perdurer en grandissant: culpabilité, troubles du comportement, difficultés scolaires, fugues, anxiété, dépression, voire stress post-traumatique, difficultés à construire une relation amoureuse épanouissante, … Il est donc important de les préserver en les mettant en sécurité. La violence au sein du couple conjugal attaque aussi l’image et les capacités parentales de chaque conjoint. Leur énergie étant accaparée par la situation de violences, ils ne peuvent plus être assez attentifs aux besoins de leurs enfants et faire preuve d’autorité bienveillante.

 

« La violence conjugale est un phénomène rare, sinon on en entendrait parler plus souvent. »

A peine 10% des victimes de violences conjugales osent porter plainte. Par ailleurs, la violence au sein des couples est une violence qui est mal connue et surtout banalisée : « dans un couple ça arrive de temps en temps que…, c’est normal », « ça ce n’est pas de la violence », …

 

« La violence conjugale est un problème d’ordre privé. Personne ne devrait attaquer le côté sacré de la famille. Personne ne devrait se mêler des affaires des autres. »

Certains actes de violence sont de nature criminelle, et concernent donc la société toute entière. Un crime est un crime, peu importe qu’il ait lieu sur la scène publique ou à l’abri des regards. Par ailleurs, considérer que la violence au sein d’un couple est une affaire privée, cela contribue à maintenir les victimes dans leur isolement et leur silence et rend plus difficiles encore les démarches à faire pour briser la situation.

 

N’hésitez pas à prendre conseil auprès d’un professionnel.

Priscilla Coutin pour Psychologika