La psychologie devient-elle manichéenne ?

Article rédigé d’après : Simon, Pierre. (2018). Tintin, l’Ombre, l’Âme et sa Transformation. Beau Bassin (Maurice) : Editions Vie.

Sommaire :

  1. Introduction
  2. Définition
  3. Evolution du dualisme en Occident
  4. Que reste-t-il du « dualisme » en ce 21e siècle en Occident ?
  5. Vers la réhabilitation du « dualisme » ?
  6. Bibliographie :

1. Introduction :

Ceux qui s’intéressent quelque peu à la psychologie contemporaine ont remarqué l’introduction de plus en plus prégnante de ce qui est appelé la « Pleine Conscience » dans les théories et pratiques psychothérapeutiques.

Ce faisant, la psychologie prend de plus en plus distance avec un des fondements de la pensée occidentale, à savoir que la Raison doit dominer le corps et les émotions.

La pratique de la « Pleine Conscience » nous invite en effet à « accepter », à « accueillir » nos émotions agréables ou désagréables et sans jugement. Elle nous invite également à considérer nos pensées à égalité avec nos émotions ou sensations corporelles.

Comme le laisse entendre un chant[1] du monastère (dénommé le « Village des Pruniers ») de Thích Nhất Hạnh, l’idée est plus d’unir notre corps et notre esprit plutôt que d’instaurer une domination du second sur le premier, comme prôné en Occident…

Il a depuis toujours été constaté par les observateurs attentifs de la psychologie humaine qu’un conflit existe entre le corps (fondé sur la Nature) et l’esprit (siège de la Raison).

Paul écrit en effet dans sa lettre aux Romains :

Romains 7 : 15, 18 et 19 ~ 15 Car je ne sais pas ce que je fais : je ne fais point ce que je veux, et je fais ce que je hais. (…) 18 (…) j’ai la volonté, mais non le pouvoir de faire le bien. 19 Car je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas.

Si l’Occident a voulu réglé ce problème en créant une relation de domination de l’esprit sur le corps, de la Raison sur la Nature. L’Orient a plutôt opté pour créer une « harmonie » (c’est-à-dire une unité faite de composants antagonistes) entre la Nature et la Raison. Confucius ne dit-il pas :

VI, 16 ~ « Le Maître dit : Nature qui l’emporte sur culture est fruste, culture qui l’emporte sur nature est pédante. Seule leur combinaison harmonieuse donne l’homme de bien. » ? (Entretiens de Confucius ; Anonyme, 1981, p. 58).

Or cette idée orientale d’« Unité de notre Être » n’a pas été absente de l’Occident, bien au contraire, mais elle y a été sauvagement combattue car affublée de l’étiquette « manichéisme »…

Le « manichéisme » est une religion fondée par Mani au 3e siècle PCN mais ce concept a désigné tout au long des siècles qui ont suivi le christianisme les idéologies qui se fondaient sur l’idée d’une possible harmonie entre des forces universelles antagonistes.

Les auteurs modernes comme Anne Brenon (1996), archiviste-paléographe et diplômée en sciences religieuses, utilisent plutôt désormais le concept de « dualisme » pour évoquer le « manichéisme ».

Mais qu’est-ce que le « dualisme » ?


[1] Ce chant peut être écouté sur youtube à l’adresse suivante : https://www.youtube.com/watch?v=94Y8TlxOlCU&t=6s

2. Définition :

Le mot « dualisme » est actuellement utilisé dans des sens très divers voire contradictoires.

Il est donc important de préciser avant tout ce que nous entendons par « dualisme » par opposition au « monisme ».

Ces concepts ayant disparu de nos habitudes de penser, un long détour historique ne sera pas de trop…

« Moniste » qualifiera les religions qui considèrent qu’il n’existe qu’un seul principe créateur (« monisme »), sous la forme le plus souvent d’un seul Dieu tout-puissant, créateur de tout l’Univers (Brenon, 1996). Dans cette conception de l’Univers, le Mal est considéré habituellement comme ayant été introduit par l’Homme qui, usant de sa liberté, décide de désobéir à Dieu…

A cette conception s’oppose l’idée du « dualisme » qui postule qu’il n’existe pas un seul principe créateur mais deux principes créateurs : un principe créateur du « Bien » et un principe créateur du « Mal » (Brenon, 1996).

Cette vision de l’Univers régi par deux principes opposés est habituellement appelée « manichéenne ». Mani (IIIe siècle PCN), à la suite de Zoroastre, a promu en effet une vision dualiste de l’Univers (Brenon, 1996)…

Un texte millénaire de Plutarque nous explique très explicitement ce qu’est le « dualisme » :

« il ne faut pas (…), comme les Stoïciens (…), admettre qu’une seule raison ait créé une matière sans propriété, et qu’une unique influence domine sur tout et régit toutes choses. En effet, il est impossible, si Dieu est la cause de tout, qu’il y ait dans le monde quoi que ce soit de mauvais, et qu’il s’y trouve quelque chose de bon, si Dieu n’est la cause de rien. (…).

Aussi existe-t-il une doctrine qui se rattache à la plus haute antiquité, et, qui, des fondateurs des connaissances sacrées et des législateurs, est descendue jusqu’aux poètes et jusqu’aux philosophes. Son origine est anonyme ; mais c’est une doctrine dont le crédit vigoureux et indéracinable se retrouve fréquemment impliqué non seulement dans les discours et dans les traditions mais encore, dans les rites initiatiques et dans les sacrifices, tant chez les Barbares que chez les Grecs. Cette doctrine enseigne que l’univers ne flotte pas dans les airs par l’effet du hasard, sans intelligence, sans cause, sans pilote. Elle ajoute que ce n’est pas une raison unique qui le domine et le conduit comme avec un gouvernail ou avec un frein modérateur, mais que les biens et les maux y sont le plus souvent mêlés, ou plutôt que rien, pour tout dire en un mot, de tout ce que produit ici-bas la nature n’est exempt de mélange (…). Il n’y a pas qu’un sommelier qui, puisant à deux tonneaux, mêlerait des liqueurs et nous distribuerait, à la façon d’un cabaretier, les événements qui doivent nous toucher (…). Mais tout nous advient de deux principes opposés, de deux forces contraires dont l’une nous guide vers la droite et en ligne directe, et dont l’autre nous ramène en arrière et nous pousse à rebours. (…). Si rien, en effet, ne peut se faire sans cause, et si ce qui est bien ne saurait devenir une cause de mal, il faut qu’il y ait dans la nature, comme il existe pour le bien, un principe particulier qui donne naissance au mal.

46. C’est là une opinion adoptée par les plus grands des sages et par les plus éclairés. Les uns, en effet, pensent qu’il existe deux dieux, doués en quelque sorte d’activités rivales, dont l’un est l’artisan du bien, et l’autre, du mal. Certains réservent le nom de Dieu au principe meilleur, et appellent Démon, le plus mauvais. C’est la doctrine du mage Zoroastre, qui vécut, dit-on, cinq mille ans avant la guerre de Troie. Il appelait Oromaze le principe du bien, et Arimane, le principe du mal (…).

48. Les Chaldéens appellent les dieux du nom des planètes qui les ont engendrés ; ils en désignent deux comme bienfaisants, deux comme malfaisants, (…).

Quant aux Grecs, (…). Ils donnent à Zeus Olympien le privilège de nous accorder le bien, et ils font d’Hadès une divinité dont il faut écarter l’influence. Leurs mythologues racontent que d’Aphrodite et d’Arès naquit Harmonia : Arès étant considéré par eux comme farouche et destructeur, et Aphrodite, comme charmante et créatrice. (…)»

Empédocle donne au principe générateur du bien le nom d’amour  (…) et d’amitié (…) ; souvent encore il l’appelle « harmonie au doux regard (…) ». Quant au principe du mal, il le désigne sous le nom de « haine pernicieuse (…) », de « discorde sanglante (…) ».

Les Pythagoriciens s’expriment en donnant plusieurs noms aux deux principes. Ils appellent celui du bien l‘unité, le défini, le stable, le direct, l’impair, le carré, l’égal, le côté droit, le lumineux, et le principe du mal la dyade, l’indéfini, le mû, le pair, l’oblong, l’inégal, le côté gauche, le ténébreux. Tels sont pour eux les principes qui servent de fondement à la génération (…).

Anaxagore appelle Intelligence, le principe du bien, et celui du mal, Infini   (…).

Aristote nomme le premier la forme, et l’autre, la privation (…).

Platon, qui souvent s’exprime comme d’une manière enveloppée et voilée, donne à ces deux principes contraires, à l’un le nom de « toujours le même » et à l’autre, celui de « tantôt l’un tantôt l’autre » (…), [dans un] ouvrage écrit par lui dans un âge plus avancé et dans lequel, au lieu de s’exprimer d’une façon énigmatique et symbolique, il se sert des mots propres, il affirme que le monde n’est pas mis en mouvement par une seule âme, mais par un grand nombre peut-être, et tout au moins certainement par deux. L’une est la créatrice du bien, et l’autre, qui lui est opposée, produit des effets opposés. (…)

  1. Effectivement, l’origine et la composition du monde est le produit d’un mélange de deux forces contraires » (Plutarque, 1992, pp. 143-156).

3. Evolution du dualisme en Occident :

a. Antiquité préchrétienne :

Le dualisme remonte sans doute à la nuit des temps comme le laisse entendre Plutarque (1992 ) : les plus anciennes divinités grecques, considérées comme des « forces primitives » étaient appelées les « Euménides » (bienveillantes) et les « Furies » (méchantes), auxquelles même Zeus, le chef des dieux et le père des hommes[1], était soumis (Grimal, 1951).

Tout en nous expliquant ce qu’est le « dualisme » et en partageant avec nous son enthousiasme pour cette doctrine, Plutarque (1992) nous montre combien celle-ci était répandue et enseignée par de nombreux grands maîtres dont les noms sont restés en notre mémoire…

Le « dualisme » semblait donc très familier aux Antiques quoiqu’il existât chez ces derniers un débat à ce propos : Plutarque (1992) évoque en effet les stoïciens qu’il présente comme « monistes »…

Ainsi que Plutarque (1992) en témoigne, à travers les âges, les êtres humains ont spontanément postulé l’existence de deux forces antagonistes régissant l’Univers, la Nature, les Humains et même les Dieux…

Le plus souvent, le « dualisme » postule que ces deux forces contraires président à toutes les transformations d’un univers qui a existé de toute éternité (ainsi que nous l’enseigne le mythe d’« Isis et Osiris », rapporté par Plutarque, 1992, voir aussi De Gryse, 1984).

Plusieurs philosophes antiques vont tenter de décrire le mécanisme même de la transformation de l’Univers par ces deux « forces » antagonistes.

Empédocle, par exemple, précise tout d’abord comment ces deux forces opèrent pour « changer » ou « transformer » :

Sur la Nature, versets 16 et 17 ~ « « Les deux forces » comme elles ont été hier, seront aussi demain et à jamais, (…) tantôt par l’Amour dans l’un tout se rassemble, tantôt, de nouveau, chaque élément, séparé, est emporté çà et là par Discorde et sa haine. (…)

De changement en changement, (…) ils continuent toujours d’être les mêmes. » (Battistini, 1997, p. 69).

Il dit par ailleurs :

Sur la Nature, versets 11 et 12 : « Les sots ! Leur pensée n’a point souci de profondeur : vraiment, s’attendre qu’un non-étant antérieur naisse, que quelque chose meure, périsse entièrement ! De ce qui nulle part existe, rien n’a moyen de naître et que l’étant s’anéantisse cela n’est pas possible » (Battistini, 1997, p. 67).

Cette idée énoncée par Empédocle est plus simplement et plus clairement formulée par Anaxagore de Clazomènes : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » ; elle deviendra finalement la célèbre maxime reprise par Lavoisier (Source : Wikipédia, article « Lavoisier », consulté le 9 septembre 2007).

Rappelons ici qu’Anaxagore est dualiste (Plutarque, 1992).

Dès l’Antiquité donc, sont posées à partir de la doctrine dualiste, les grandes lois qui régissent l’Univers (et donc l’Âme Humaine qui en est partie intégrante) et sa transformation.

En ce qui concerne l’Âme Humaine, ce principe de « transformation » est repris à travers le concept alchimique de « sublimation »[2]

Notons par ailleurs que le « dualisme » est souvent associé au postulat d’une forme d’existence antérieure et postérieure à notre existence présente sur Terre (Battistini, 1997).


[1] Comme l’affirme le poète grec Aratus du IIIe siècle ACN dans « Les phénomènes », vers 1 à 5 : « nous sommes la lignée de Zeus même ». [2] Ce concept avant d’être repris par Freud (1952) a été utilisé à partir du XIIIe siècle (du moins en ce qui concerne les écrits qui ont été retrouvés) par des alchimistes (Hutin, 1995), notamment Saint Albert Le Grand qui l’utilise dans son traité « De alchimia » (Hutin, 1995).

b. Antiquité Chrétienne et Moyen-âge :

Anne Brenon résume très bien l’évolution du « dualisme » durant cette période de notre histoire :

« À la suite du zoroastrisme, le manichéisme était dualiste. Les cathares furent dénoncés, à la fin du XIIe siècle, comme dualistes. Donc comme de nouveaux manichéens. Donc comme extérieurs au christianisme. Cet argument rédhibitoire traversa l’Histoire et le temps. » (Brenon, 1996, pp. 110 et 111).

« Comment peut-on être dualiste et chrétien ?

Dualistes et chrétiens à la fois, les Bons Hommes[1] le furent assurément, (…)

Je n’ai, à titre personnel ni à aucun autre titre, aucune raison de refuser la qualité de chrétien, sous prétexte (…) qu’il soutient une réflexion dualiste, à une personne ou à un mouvement qui la revendiquent et s’en réclament. Surtout si les arguments que cette personne ou ce mouvement invoquent sont exclusivement tirés des Ecritures chrétiennes. Ce qui est le cas des cathares.

On peut être dualiste et chrétien pour la simple raison qu’une lecture dualiste du Nouveau Testament est possible et plausible. Mais il est vrai que depuis notre Moyen Âge inquisitorial et théocratique, depuis que le dualisme des hérétiques, assimilé de manière schématique à un manichéisme, a signifié crime, exclusion, peine de mort, damnation dans l’éternité et honte ineffaçable en ce monde, la conscience religieuse et philosophique de l’Occident, passée au moule, témoigne de la plus vive suspicion idéologique à l’encontre de cette forme de réflexion. Les historiens et théologiens protestants eux-mêmes, une fois ce caractère dualiste du catharisme mis en lumière dans les travaux du XIXe siècle, se détournèrent du sujet avec sévérité et, soucieux de préserver leur propre image de marque chrétienne de toute fêlure dualiste, cessèrent de rechercher de Grands Ancêtres de la Réforme dans les vieux Albigeois comme l’avaient fait leurs premiers historiographes…

Le monde, ce bas monde dont Satan est le prince, n’est pas de Dieu. L’être humain, tiré par le Christ, aspire au Royaume de Dieu, qui n’est pas de ce monde. Telle est la base, la racine de la mouvance dualiste chrétienne. Très certainement, pour autant qu’on peut les connaître, les communautés chrétiennes johanniques s’inscrivaient-elles dans cette mouvance dualiste. Bon nombre de mouvements gnostiques des premiers temps du christianisme également, mais en recourant à des mythologies très compliquées et en s’exprimant dans un langage symbolique qui nous est aujourd’hui assez imperméable.

En tout cas, la communauté chrétienne dominante, celle qui prit le pas sur les autres, c’est-à-dire l’Eglise de Pierre, l’Eglise de Rome, s’affirma au contraire résolument moniste, et l’échafaudage des conciles et des travaux des Pères de l’Eglise émonda peu à peu les tendances dualistes de l’interprétation officielle des Ecritures, pour imposer la silhouette d’un « Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre » (concile de Nicée, 325).

L’apparition et le développement du manichéisme au IIIe siècle, et le combat théologique des Pères de l’Eglise comme saint Augustin contre cette religion dualiste orientale et syncrétiste, contribuèrent sans doute beaucoup à durcir la position moniste de l’Eglise catholique et à diaboliser définitivement, sous le vocable d’hérétique, toute proposition à tendance dualiste. Pour les chrétiens romains médiévaux, le dualisme, c’était le mal, c’était l’hérésie par excellence, c’était du manichéisme ; quand bien même, paradoxalement car de manière très dualiste, on cherchait en elle la main du diable !

Efforçons-nous donc de nous débarrasser de toutes les idées reçues et de considérer paisiblement, en lui-même, un christianisme médiéval qui fut marqué d’une réflexion dualiste c’est-à-dire qui tenta de porter une réponse cohérente au douloureux problème de l’origine, de l’intrusion du mal, dans la création. Tant pis si une certaine aura de mystère fleurant l’Orient mythique se dissipe et si, finalement, le dualisme y perd un peu ses griffes et son bec de chimère.

Les Cathares eux-mêmes se revendiquèrent apôtres, de la directe lignée des apôtres du Christ. Ils argumentèrent pour Evervin de Steinfeld leur certitude de former la droite descendance de la première Eglise chrétienne, très tôt persécutée par Rome et « demeurée cachée en Grèce depuis le temps des apôtres ». De fait, l’éventualité de leur origine archéo-chrétienne ne paraît pas historiquement impensable. » (Brenon, 1996, pp. 112-115).


[1] Les cathares s’appelaient eux-mêmes « Bons Hommes » ou « Bonnes Femmes » ou tout simplement « Chrétiens »… « Cathares » est la façon dont leurs ennemis catholiques les désignaient (Brenon, 1996).

c. La Renaissance :

« En 1434, Cosme de Médicis, aristocrate de la plus puissante famille de Florence à la Renaissance, accède au pouvoir. Il inaugure le mécénat et imprime un renouveau à l’art. Un de ses protégés, Marsile Ficin (1433-1499), entreprend de traduire de nombreuses œuvres platoniciennes et néo-platoniciennes qui exerceront un impact considérable sur l’art de la Renaissance. Une Académie est fondée à Florence sur l’exemple de l’Académie de Platon, rassemblant de nombreux érudits de tous genres. » Source : Wikipédia, article « Néoplatonicisme médicéen », consulté le 8 septembre 2007.

Ceci marque à nos yeux le début de la « Renaissance » : la redécouverte des enseignements antiques et principalement de ceux de Platon, marquant le retour de la pensée dualiste[1] dans la civilisation occidentale.

Marsile Ficin, personnage clé de cette période a été très tôt marqué par la pensée de Platon et des néo-platoniciens :

« Il reçut sa première instruction dans sa ville natale et fit ses études à Bologne. Il étudia dès sa première jeunesse avec ardeur la langue grecque et la philosophie de Platon, auquel il voua, pour le reste de sa vie, un véritable culte. De retour à Florence, il sut faire partager son enthousiasme pour le grand philosophe de l’Antiquité, à son protecteur Cosme de Médicis. » Source : Wikipédia, article « Marsile Ficin », consulté le 8 septembre 2007.

Grâce au soutien de Cosme l’Ancien, Marsile Ficin a pu faire connaître au plus grand nombre la pensée platonicienne. C’est lui qui a assuré l’éducation de celui qui allait devenir « Laurent le Magnifique », semant ainsi les graines qui donneront les fruits de la Renaissance que nous connaissons et qui ne cessent de forcer notre admiration encore aujourd’hui…

« Marsile Ficin fut le précepteur du petit-fils de Cosme de Médicis, Laurent de Médicis » Source : Wikipédia, article « Marcile Ficin », consulté le 8 septembre 2007.

Le positionnement de Marsile Ficin avait des prolongements jusque dans  le domaine religieux :

« Son œuvre de traducteur et d’exégète du platonisme eut une importance considérable dans l’Europe de la Renaissance. Son œuvre personnelle est un effort de conciliation entre la révélation chrétienne et la « théologie platonicienne ». Sur les traces de Gemiste Pléthon[2], Marsile Ficin tenta une synthèse du christianisme et du platonisme. Il s’oppose ainsi à l’aristotélisme[3] des écoles de son époque qu’il accuse de détruire la religion » Source : Wikipédia, article « Marsile Ficin », consulté le 8 septembre 2007.

Marsile Ficin a une vision cyclique de l’histoire, considérant celle-ci comme une succession de périodes de prospérité et de dégénérescence… Ainsi, il semble ne pas douter inaugurer une période de renouveau…

« Marsile Ficin écrivait en 1492 : « Ce siècle, comme un âge d’or, a restauré la lumière des arts libéraux qui avaient presque disparu : grammaire, poésie, rhétorique, peinture, sculpture, architecture, musique… Ce siècle semble être celui qui a permis à l’astrologie d’avoir droit de cité. » Source : Wikipédia, article « Marsile Ficin », consulté le 8 septembre 2007, c’est nous qui soulignons.

Un des événements majeurs de cette période qui mit un premier point d’arrêt au développement de la pensée dualiste fut le procès de Galilée…

Il est vraisemblable, comme le soutient l’historien Redondi (1985), que le véritable motif de la condamnation de Galilée ne fut pas rendu public pour ne pas attirer l’attention sur ce qui pourrait mettre en danger les fondements théologiques de l’Eglise Catholique.

Il est à souligner que le « Dialogo » de Galilée avait été écrit à l’instigation du pape lui-même et Galilée ne manqua pas de produire lors de son procès toutes les autorisations qui lui avaient été accordées pour la publication de ce livre (Redondi, 1985).

Ce n’est qu’une fois le livre effectivement édité qu’il a été retiré de la vente précipitamment et que le procès en hérésie de Galilée eut lieu (Redondi, 1985)…

Redondi (1985) explique que ce revirement en catastrophe est lié en partie aux réactions inattendues qui ont été suscitées par le livre, notamment celles de Thomas Campanella qui a écrit dans une de ses lettres que les idées du « Dialogo » « étaient celle des anciens pythagoriciens » (Redondi, 1985, p. 267).

Rappelons que les Pythagoriciens, comme l’enseigne Plutarque (1992), sont « dualistes » :

« Les Pythagoriciens s’expriment en donnant plusieurs noms aux deux principes. Ils appellent celui du bien l‘unité, le défini, le stable, le direct, l’impair, le carré, l’égal, le côté droit, le lumineux, et le principe du mal la dyade, l’indéfini, le mû, le pair, l’oblong, l’inégal, le côté gauche, le ténébreux. Tels sont pour eux les principes qui servent de fondement à la génération. » (Plutarque, 1992, p. 154).

Ainsi, le « Dialogo » est devenu brutalement un livre dangereux à partir du moment où il fut considéré comme apportant un argument scientifique déterminant en faveur du « dualisme »…

Galilée aura en effet à défendre devant ses inquisiteurs l’idée que l’Univers est régi par deux forces antagonistes : une force universelle d’attraction et une force universelle de répulsion…

C’est en cherchant à comprendre pourquoi deux corps de poids différents lâchés simultanément d’une même hauteur arrivaient en même temps sur le sol[4] que Galilée a émis l’hypothèse d’un Univers régi par deux forces antagonistes.

En effet, Galilée explique le phénomène par le fait que l’objet est attiré par la Terre sous l’effet d’une force d’attraction qui agit proportionnellement au poids de ce même objet ; mais que, toujours proportionnellement au poids de l’objet, cette attraction est freinée par une force antagoniste de répulsion… Ainsi plus un objet est lourd, plus il est attiré par la Terre mais aussi plus il est freiné par la force antagoniste de répulsion… Plus un corps est léger, moins la force d’attraction agira sur lui mais moins aussi la force de répulsion agira sur lui. Donc si on neutralise l’effet de la résistance de l’air, un corps léger et un corps lourd tomberont à la même vitesse vers la Terre…

A une certaine distance proche de la Terre, c’est la force d’attraction qui l’emportera et donc le corps tombera vers la Terre ; à une certaine distance éloignée de la Terre, le corps sera propulsé vers l’espace (loin de la Terre).

Il existe une distance où les deux forces s’équilibrent parfaitement et donc se neutralisent mutuellement. A ce moment, l’objet restera à quasi égale distance de la Terre, tournant de manière constante autour de celle-ci (c’est sur ce principe que se fonde l’envoi de nos « satellites »)…

Malgré une défense bien construite devant ses redoutables inquisiteurs, malgré des arguments forts qui allaient l’emporter sur l’accusation, Galilée subira des pressions qui l’obligeront à se reconnaître dans l’erreur (Redondi, 1985).

La condamnation de Galilée freinera la pensée dualiste qui germait chez nombre de philosophes de l’époque comme Descartes :

« Le 23 décembre 1630, Descartes écrit au père Mersenne qu’il est maintenant occupé à « démêler le chaos » pour en faire sortir « la lumière », ce qui constitue l’une « des plus hautes et des plus difficiles » matières que l’on puisse entreprendre car « toute la physique y est presque comprise »

Au fur et mesure qu’il avance dans la rédaction de son Traité, son intuition grandit. Il pense parvenir à expliquer la « cause de la situation de chaque étoile fixe », ne doutant pas qu’il n’y ait « un ordre naturel entre elles, lequel est régulier et déterminé ». Mieux encore, il pense pouvoir connaître a priori « toutes les diverses formes & essences des corps terrestres » – au lieu de devoir, comme auparavant, se contenter « de les deviner a posteriori & par leurs effets ».

(…) Après le rêve des astrologues, celui des alchimistes le hante !

Mais il reste prudent. Le 10 mai 1632, il a pratiquement renoncé à son projet. Il avoue au père Mersenne : « Je suis si peu sage, que je ne saurais m’empêcher d’y rêver, encore que je juge que cela ne servira qu’à me faire perdre du temps, ainsi qu’il a déjà fait depuis deux mois. »

En 1633, la condamnation de Galilée l’empêche de publier son Traité. » (Auffray, 2000, pp. 26 et 27).

Mais le « dualisme » de la Renaissance survivra jusqu’à nos jours malgré une inquisition de plus en plus dure après la victoire du parti guelfe  sur les gibelins à l’issue de la guerre civile qui les opposait (Roquebert, 1999) : les idées de Galilée finiront en effet par triompher du fait qu’elles ont été reprises par un de ses admirateurs, Isaac Newton…

Isaac Newton est un partisan d’Arius (Auffray, 2000), chrétien hérétique du IIe et IIIe siècle PCN. Il est aussi adepte de l’alchimie : il reprend notamment les enseignements de Jâbir ibn Hâyyn, un alchimiste arabe de l’université de Séville au 9e siècle, et Geber, ou vraisemblablement Paul de Tarente, un franciscain disciple du précédent (Auffray, 2000).

L’analyse de certains des écrits de Newton qui avaient été un moment mis de côté a fait dire au baron Keynes, à l’occasion du tricentenaire de la naissance de Newton :

« Newton n’a pas été le premier au siècle de la Raison, il a été le dernier au siècle des Magiciens, le dernier des Babyloniens et des Sumériens, le dernier grand esprit avec les mêmes yeux que ceux qui commencèrent à édifier notre patrimoine intellectuel il y a un peu moins de dix mille ans. » (Auffray, 2000, p. 6).

Le « triomphe » de l’alchimie grâce à Isaac Newton a été possible parce que celui-ci a caché ses véritables opinions religieuses et philosophiques et qu’il a rédigé ses ouvrages de telle sorte que seuls quelques grands spécialistes puissent les lire et les comprendre (Auffray, 2000). Il a fait semblant de prêter serment de fidélité à l’Eglise Anglicane tout en refusant de devenir prêtre anglican et Newton a dû obtenir une dérogation pour pouvoir devenir enseignant universitaire sans être ordonné prêtre, ce qui était obligatoire à l’époque (Auffray, 2000)…


[1] Car il est clair à la lecture des écrits de Plutarque (1992) que Platon était « dualiste ». [2] « À la suite du concile de Florence, convoqué en 1439 par le pape Eugène IV, pour rapprocher les Églises d’Orient et d’Occident, plusieurs savants grecs, venus pour cet événement, se fixèrent en Toscane. Cosme de Médicis et son cercle intellectuel connurent, à cette occasion, le philosophe néoplatonicien Gemiste Pléthon dont les discours sur Platon et les mystiques d’Alexandrie avaient tellement fasciné la société lettrée de Florence qu’on l’avait appelé le second Platon. » (Source : Wikipédia, article « Marcile Ficin », consulté le 8 septembre 2007). [3] Rappelons la divergence philosophique entre Platon et Aristote, si brillamment représentée par l’« Ecole d’Athènes », un tableau de Raphaël : Platon pointe son index vers le « haut » (le « monde des idées », l’idéalisme) tandis qu’Aristote prône un certain réalisme en orientant la paume de sa main vers le « bas » (la Terre, le réalisme). Pour Marsile Ficin donc, il est clair qu’il ne peut pas y avoir religion sans idéalisme. [4] Par exemple, devant ses inquisiteurs, Galilée a laissé tomber un encrier et une feuille de papier qu’il a pris soin de chiffonner pour neutraliser l’effet de la résistance à l’air : les deux objets sont arrivés simultanément au sol.

d. La période révolutionnaire ou la fin de la renaissance :

Nous considérons que les révolutions française et américaine marquent le point final de la Renaissance (Collectif, 1982-1983).

Vont disparaître en effet au cours de cette période deux savants dualistes dont les travaux étaient prometteurs : Lavoisier et Mesmer.

Lavoisier avait déterré les théories d’Anaxagore de Clazomènes (dualiste, selon Plutarque, 1992) et des pythagoriciens (dualistes, également selon Plutarque, 1992), il finira guillotiné.

Quant à Mesmer, il peut être considéré comme le père de la « psychothérapie » (Daco, 1977). S’inspirant directement des théories de Newton, il rédige son mémoire de médecine qui traite de l’influence du soleil et de la lune sur l’évolution des maladies. Il considérait l’être humain comme une partie de l’Univers, susceptible d’être influencé par mêmes forces qui régissent ce dernier…

Une enquête sur les travaux de Mesmer a beaucoup contribué à ce que sa théorie tombe en désuétude mais il est bon de préciser que cette enquête a porté sur des expériences réalisées par un ancien de ses disciples devenu son rival et non pas sur des expériences réalisées par Mesmer lui-même, ainsi que le précise Giannoni (1992).

Il est bon de rappeler également que Mesmer faisait partie d’une société secrète de type maçonnique (Giannoni, 1992 ; Roudinesco, 1997) comme sans doute Newton (Auffray, 2000) et Mozart (la doctrine exposée dans « La Flûte Enchantée » de Mozart[1] est en effet clairement dualiste : sont en effet adorés dans cet opéra, qualifié de « maçonnique » par Chailley, 1991, les dieux « Isis et Osiris », culte dont Plutarque, 1992, était un adepte)…

La « Révolution Française », qui a dégénéré par l’action subversive de l’Angleterre (Hutin, 1994) puis l’entrée en guerre de l’Autriche contre la France de 1792 (Collectif, 1982-1983), sonnera le glas de ce retour remarquable du dualisme en Europe…


[1] Qui fait référence à Mesmer dans son opéra « Così fan tutte ».

4. Que reste-t-il du « dualisme » en ce 21e siècle en Occident ?

« Toute la pensée pré-scientifique se développe dans la dialectique fondamentale du manichéisme » (Bachelard, 1947, p. 200).

Gaston Bachelard nous rappelle ici une vérité historique : tout au long des siècles qui nous ont précédés, la pensée était majoritairement manichéenne ou « dualiste ».

Cependant, qualifier la pensée « manichéenne » de « pré-scientifique » est un préjugé qui ne se justifie guère mais qui pourtant est devenu une telle évidence contemporaine qu’effectivement, le dualisme a été mis de côté car considéré a priori comme « pré-scientifique » (autant dire « non-scientifique »). Or dans l’Occident du 20e siècle, tout ce qui est considéré comme « non-scientifique » est a priori considéré comme négligeable sinon indigne d’intérêt.

Qualifier de « pré-scientifique » la pensée manichéenne revient donc comme par le passé à la considérer comme « hérétique », en ce sens qu’elle ne mérite même pas que l’on s’y attarde par un sérieux débat…

Cet a priori a fini d’enterrer le dualisme auprès des milieux scientifiques. Il est dès lors discrédité et en conséquence majoritairement ignoré de la population courante.

Si en ce 21e siècle, le « triomphe » de l’alchimie à travers Newton est reconnu par certains historiens dont Auffray (2000), il reste très partiel puisque si les idées de Newton ont triomphé dans les sciences « exactes », c’est en laissant sous silence leurs fondements alchimiques qui n’ont dès lors eu aucune répercussion notable ni en théologie ni en philosophie ni en psychologie ni dans les autres sciences…

La séparation radicale des choses religieuses et scientifiques imposée par le Protestantisme a permis que soient admises certaines évidences (la loi de l’attraction universelle, par exemple) tout en excluant toutes répercussions de ces vérités établies sur les sujets « sensibles », ne serait-ce que sur notre vision de l’Humain ou la psychologie…

a. “Dualisme” et psychologie contemporaine :

Si, par ailleurs, le « dualisme » a pu survivre en psychanalyse par l’idée émise par Freud qu’un antagonisme était indispensable au développement humain[1] puis par l’introduction du concept d’« instinct de mort », cette victoire n’a été que de courte durée…

En 1912, Sabrina Spielrein, une collaboratrice de Jung, publie dans un article intitulé « La destruction comme cause du devenir » dans le « Jahrbuch für psychoanalytische und psychopathologische Forschungen » (Ellenberger, 1994) le postulat que, de manière innée, inscrit dans sa nature, l’être humain est animé par des forces antagonistes…

Cependant, selon Bettelheim (1984), la psychanalyse dans sa forme première a perdu son audience au profit de théories « psychanalytiques » profondément remaniées par la médecine d’un côté (principalement aux Etats-Unis) et le structuralisme de l’autre (principalement en France)…

L’idée de Freud de faire renaître de ses cendres une école pythagoricienne (Ellenberger, 1994) a purement et simplement « disparue »…


[1] Pour se développer, l’être humain doit voir ses forces instinctuelles contrariées par son environnement (antagonisme entre les instincts et l’environnement), ce qui va pousser l’être humain à accomplir une nécessaire synthèse entre ces antagonismes. Plus l’être humain est invité à « synthétiser », plus se fortifie son « Moi », gage de son « adaptation à son environnement » (dans le sens freudien primitif d’« harmonisation avec l’environnement », voir Anna Freud, 1968, 1969) …

b. Jung, le dernier des « dualistes » ?

Jung n’utilise pas le concept de « dualisme » dans le sens où nous l’avons utilisé dans le présent article : ce que Anne Brenon (1996), spécialiste en sciences religieuses, appelle  « dualisme » est en fait, pour Jung (2001), la véritable forme du « monothéisme », c’est-à-dire une forme de religion concevant un seul Dieu rassemblant en lui seul et les forces de construction et les forces de destruction… Pour Jung (2001), « dualisme » désignerait plutôt les religions qui concevraient un Dieu qui n’intègrerait pas les « forces de destruction » (il s’agit d’un dualisme en ce sens que les forces de « construction » et de « destruction » sont séparées, ne formant pas d’unité)…

Jung (2001) explique longuement pourquoi ce débat autour de ce qu’est le véritable « monothéisme » doit être réanimé et rappelle que cette forme de « monothéisme » était défendue par les premiers pères de l’Eglise comme Clément de Rome (un des premiers papes)…

Il est à préciser que les forces antagonistes biologiques individuelles (instinct de vie et instinct de mort) que Freud croit observer chez l’être humain sont pour Jung[1] des forces « cosmiques » ou « universelles » ; l’antagonisme n’est pas seulement une condition du développement humain mais il s’agit d’un principe universel qui régit toutes les transformations de l’Univers dont fait pleinement partie l’être humain…

Il ne faudrait cependant pas en conclure que le « dualisme » est familier aux cercles jungiens… Ayant moi-même fréquenté ces cercles et ayant parfois très explicitement posé la question sur la place à donner aux idées religieuses de Jung, il m’a été répondu qu’il fallait distinguer les « théorie et pratique jungiennes » des « idées personnelles » de Jung…


[1] Jung s’inspire beaucoup du platonisme et du néo-platonicisme, notamment de Porphyre (Jung, 1950, 1987).

5. Vers la réhabilitation du « dualisme » ?

La pensée « dualiste » a eu ces derniers temps un regain d’intérêt du fait de l’efficacité de certaines techniques thérapeutiques destinées aux personnalités limite et reposant sur le « dualisme » comme fondement théorique.

Ainsi, l’exemple de Marsha Linehan (2000) qui expose ainsi le fondement de sa technique psychothérapeutique :

« Conception du monde et hypothèses de base

Comme son nom le suggère, la TCD[1] est basée sur une conception dialectique. (…)

Les perspectives dialectiques sur la nature de la réalité et sur le comportement humain partagent trois caractéristiques premières, dont chacune est importante pour comprendre le TPL[2].

Premièrement, de même que les perspectives systémiques dynamiques, la dialectique souligne l’existence d’une interrelation fondamentale de la réalité ou son intégralité. Une approche dialectique considère donc comme incomplète toute analyse des parties spécifiques d’un système, tant que ces parties ne sont pas mises en lien avec le tout qui les englobe. (…)

Deuxièmement, la réalité n’est pas conçue comme statique, mais comme l’objet de forces antagonistes (thèse et antithèse), de la résolution desquelles naissent de nouvelles forces antagonistes. (…) La dialectique, dans cette perspective, est compatible avec les modèles psychodynamiques de conflits par rapport à la psychopathologie. (…)

La troisième caractéristique de la dialectique est l’hypothèse – et cela fait suite aux deux caractéristiques précédentes – que la nature fondamentale de la réalité est un changement et un processus plutôt qu’un contenu ou une structure. L’implication la plus importante en est que la personne et son environnement vivent une transformation continue. Par conséquent, la thérapie ne cherchera pas à maintenir un environnement stable et constant mais aura pour objectif de permettre à la cliente de se sentir à l’aise avec le changement. » (Linehan, 2000, pp. 3-5, c’est nous qui soulignons).

Parallèlement à cette théorie qui se fonde explicitement sur le bouddhisme zen, d’autres théoriciens vont s’inspirer explicitement de la philosophie chinoise traditionnelle comme Byrd & Chamberlain (1995).

Marsha Linehan (2000) reprend dans ses techniques psychothérapeutiques des exercices méditatifs adaptés aux personnes souffrant de troubles limites de la personnalité et directement inspirés des exercices de « Pleine Conscience » proposés par le maître zen Thích Nhất Hạnh.

Un rapprochement entre la psychologie occidentale et la psychologie orientale traditionnelle s’observera donc sans doute de plus en plus dans les prochaines années. Rappelons que l’orientalisme traditionnel[3] est fondamentalement dualiste ainsi que l’exprime avec un art concis le symbole du TAO, représentant l’Unité de deux principes universels et antagonistes, à savoir le yin et le yang :

L’essor remarquable des psychothérapies basées sur la « Pleine Conscience » que l’on observe actuellement et dont Linehan (2000) n’a été citée qu’à titre d’exemple, laisse présager un rapprochement entre les théories psychologiques et le « dualisme » en général et peut-être là, se trouve une amorce de la réhabilitation des théories dualistes de l’Univers qui pourraient réobtenir prochainement le statut prestigieux dans notre monde occidental de « théories scientifiques »…


[1] Thérapie Cognitive Dialectique. [2] Trouble de la Personnalité Limite. [3] Nous entendons par « orientalisme traditionnel » celui qui dominait avant la colonisation de l’Inde par l’Angleterre, les guerres de l’opium menées par la même Angleterre contre la Chine au 19e siècle et l’attaque du Japon par les Américains en 1854 qui force l’ouverture du Japon au commerce avec l’Occident et qui initiera l’« ère de Meiji ».

6. Bibliographie :

Anonyme (1981, 551-479 ACN). Entretiens de Confucius (Titre Original : 論語, Lúnyǔ). Paris : Seuil.

 

Auffray, J. P. (2000). Newton ou le Triomphe de l’alchimie. Paris : Fayard Le Pommier.

 

Bachelard, G. (1947). La Formation de l’esprit scientifique. Paris : Vrin.

 

Battistini, Y. (1997). Empédocle Légende et œuvre. Paris : Imprimerie Nationale.

 

Bettelheim, B. (1984). Freud et l’âme humaine. (Titre Original : Freud and man’s soul, 1982). Paris : Laffont.

 

Brenon A. (1996). Les Cathares. Paris : Jacques Grancher.

 

Byrd, A. D. & Chamberlain, M. D. (1995). Willpower is not enough. SLC : Deseret Book Company.

 

Chailley, J. (1991).  La Flûte Enchantée Opéra maçonnique. Paris : Robert Laffont.

 

Collectif (1982-1983). C.C.E. Histoire 80.23. Série H 12 – GGH.F. Bruxelles : MEN.

 

Daco, P. (1977, première édition française en 1960). Les prodigieuses victoires de la psychologie moderne. Verviers : Les Nouvelles Editions Marabout.

 

De Gryse, B. (1984). Karnak. Liège : Editions du PERRON.

 

Ellenberger, H. F. (1994). Histoire de la découverte de l’inconscient (Titre original : The Discovery of the Unconscious). Paris : Fayard.

 

Freud, A. (1968). Le Normal et le Pathologique chez l’Enfant. (Titre Original : Normality and Pathology in Childhood: Assessments of Development, 1965). Paris : Gallimard.

 

Freud, A.  (1969). Initiation à la Psychanalyse pour éducateurs. Toulouse : Privat.

 

Freud, S. (1952). Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci. (Titre Original : Eine Kindheitserinnerung des Leonardo da Vinci, 1910). Paris : Gallimard.

 

Giannoni, D. (1992). L’hypnose Etat de la question. Mémoire inédit. Université Catholique de Louvain-la-Neuve.

 

Grimal, P. (1951). Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine. Paris : PUF.

 

Hutin, S. (1994). Gouvernants invisibles et sociétés secrètes. Villeselve : Editions Ramuel.

 

Hutin, S. (1995). Les alchimistes au Moyen Age. Paris : Hachette.

 

Jung, C.G. (1950). Types psychologiques (Titre original : Psychologische Typen). Genève : Georg.

 

Jung, C. G. (1987). L’homme à la découverte de son âme (Titre Orginal : ). Paris : Albin Michel.

 

Jung, C. G. (2001). Réponse à Job (Titre Original : Antwort auf Hiob, 1961). Paris : Méta Editions.

 

Linehan, M. (2000). Traitement cognitivo-comportemental du trouble de personnalité état-limite. Genève : Médecine et Hygiène.

 

Linehan, M. (2000). Manuel d’entraînement aux compétences pour traiter le trouble de personnalité état-limite. Genève : Médecine et Hygiène.

 

Plutarque (1992, 50-125 PCN). Isis et Osiris. Paris : Editions de la Maisnie.

 

Redondi, P. (1985). Galilée hérétique (Titre Original : Galileo eretico). Paris : Editions Gallimard.

 

Rocquebert, M. (1999). Histoire des Cathares. Paris : Perrin.

 

Roudinesco, E. (1997). Jacques LACAN. Paris : Fayard.